Habitats et espèces

Habitats et espèces

Les habitats et espèces principaux de la Réserve définissent les trois grands enjeux de conservation identifiés dans le plan de gestion:

  • le bloc forestier et sa mosaïque d’habitats associée (forêts de montagne, de plateaux et de marécage boisé)
  • la savane-roche, qui est un faciès particulier d’habitat forestier
  • le réseau hydrographique

Maintenir l’intégrité des forêts et la qualité des eaux de la réserve représente un défi d’ampleur sur un territoire en plein essor socio-économique. La principale menace reste la déforestation et la pollution des sols et des eaux, engendrées par l’activité de l’orpaillage illégal, en recrudescence sur la réserve depuis 2016.

Le bloc forestier  

Sous une apparente homogénéité, l’espace forestier de la Guyane est en réalité très hétérogène. Ce constat rend particulièrement difficile la caractérisation des types forestiers. Mais dans la réserve, plusieurs milieux remarquables sont à souligner. C’est cette diversité de milieux qui permet une biodiversité (faune/flore) si riche aux Nouragues.

La forêt dense humide

Très largement dominante sur le territoire de la réserve, la forêt dense humide (99 % des types de végétation) présente des faciès différents selon les conditions du milieu. Le nombre d’espèces d’arbres avoisine les 1200 en Guyane ! Les forêts hautes se retrouvent principalement sur les sommets et les pentes des collines. Dans les bas-fonds, aux sols gorgés d’eau, les palmiers pinots (ou Wassaï, Euterpeoleracea) dominent la végétation, alors que d’autres espèces encore sont inféodées aux abords des rivières, comme le « cacao rivière » Pachira aquatica.Sous-bois Nouragues

 

 

La forêt ripicole

Sur les berges des rivières (ou criques), la forêt de terre ferme s’interrompt par un rideau de végétation héliophile, ou les arbres sont penchés vers l’eau, souvent chargés de lianes et de nombreuses plantes épiphytes. La végétation est très différente selon la physionomie de la rive, concave ou convexe. Sur les rives concaves, où l’érosion est forte, la végétation se rapproche de Arbre recouvert d'épiphyte au dessus de la rivière Arataye, aux Nouraguescelle de terre ferme, mais la croissance dissymétrique des houppiers et l’instabilité de la berge, entraînent des chablis (chutes d’arbre) fréquents. La forêt est riche en lianes et épiphytes associées à des espèces plus inféodées aux bas de pentes humides comme les “Wapas”, les “Cacao rivière” et le “Yayamadou marecage”. Sur les rives convexes, la forêt est plus marécageuse, sur des dépôts de vases et de sables. C’est une formation couverte d’une végétation basse dite “ pri pri ” dominée par le “Moucou moucou” et les “Pois sucrés”

La forêt de lianes

Cette formation végétale est peu fréquente et très localisée. La forêt y est plus basse que dans le massif forestier environnant. En effet, cette formation est marquée par la présence de plantes lianescentes très envahissantes recouvrant toutes les autres plantes. Une autre caractéristique de ce milieu est sa pauvreté en plantes épiphytes, par rapport à la forêt dense avoisinante.Lianes

 

Les cambrouses

Ce terme guyanais désigne les formations denses, très difficilement pénétrables et monospécifiques de graminéesVue aérienne cambrouze, Nouragues bambusiformes. Ces formations semblent s’auto-entretenir, ne laissant pratiquement aucune autre espèce germer et croitre sous leur couvert ce qui empêche donc toute reconstitution de la forêt. L’origine des cambrouses a alimenté de nombreuses discussions sans pour autant jamais faire l’objet d’un travail spécifique. L’une des hypothèses serait que ces formations soient des vestiges d’anciens sites de villages amérindiens autrefois implantés en forêt. Dans la réserve, plusieurs cambrouses ont pu être localisées, de superficie variant de plusieurs dizaines de mètres carrés à quelques hectares.

La végétation des « sauts »

Salade Coumarou, végétation des sautsDans la réserve des Nouragues, les principaux seuils rocheux se rencontrent sur la rivière Arataye (saut Japigny, saut Pararé, saut Couy). Les rochers émergeant de l’eau, battus par les eaux tumultueuses, sont colonisés par plusieurs espèces de Podostemaceae, dont la plus spectaculaire et la plus commune est la « Salade-Coumarou » (Mourera fluviatilis), immergée une grande partie de l’année, aux énormes feuilles rugueuses plaquées sur la roche, et aux belles hampes à fleurs roses s’épanouissant pendant la saison sèche. Sur les berges et les ilots rocheux émergeant en permanence de l’eau, on peut trouver une végétation plus diversifiée d’arbustes et de plantes herbacées. Ce type de végétation montre certaines affinités floristiques avec celle des inselbergs.

Les espèces prioritaires à conserver du bloc forestier

Hyode des brumes, Anomaloglosse de Granville, Clelia obscure, Coq-de-roche, Sporophile curio, Harpie huppée, Faucon orangé, Pécari à lèvres blanches.

La savane-roche

La savane-roche est un faciès d’habitat forestier. Cependant, cet écosystème fragile est l’un des plus menacés de Guyane. Plusieurs sites de savanes-roches sont présents aux Nouragues (notamment sur et proche de l’Inselberg et autour du Pic du Croissant). La réserve a donc une responsabilité dans la préservation de cet habitat d’intérêt écologique, positionné comme un enjeu à part entière.Végétation Inselberg

La savane roche est la végétation caractéristique des inselbergs. Elle est adaptée à des conditions extrêmes (de 18 à 55°C voire jusqu’à 70°C). Le mot « inselberg » vient de l’allemand « insel » qui veut dire île et « berg » montagne. Ces roches émergeant de la canopée sont des montagnes de granite témoins de plus de 2 milliards d’années d’histoire de la Terre ! Elles résultent de poches de magma infiltrées dans des encaissements de roches métamorphiques. Au fil des âges géologiques, l’érosion naturelle a mis à nu ces poches de magma cristallisé (roches dures) en érodant plus vite les roches métamorphiques alentour.

Les espèces prioritaires à conserver de la savane-roche

Moucherolle hirondelle, Tangara à galons rouges, Tortue charbonnière.Photos espèces savane roche

Le réseau hydrographique

La réserve des Nouragues est située sur les têtes de deux bassins versants (Comté et Approuague), et c’est la seule réserve naturelle de Guyane protégeant une telle diversité d’habitats de réseau hydrographique (zones de flats, criques forestières, rivières, sauts rocheux, petites criques autour de l’inselberg et cascades). Le bassin versant de l’Approuague est d’ailleurs considéré comme un réservoir biologique qui abrite des espèces remarquables

Zoom sur les sauts rocheux

Les rivières de l’Arataye et de la Comté offrent de tumultueux sauts rocheux. Ces rapides sont dus aux filons de roches compactes et d’origine tectonique, vieilles de 200 millions d’année. Lorsque le fleuve coupe ces filons, les roches apparaissent et créent un décroché qui forme le saut. Ces barrières naturelles constituent un milieu original pour un certain nombreSaut sur l'Arataye d’espèces. Elles attirent par exemple le recherché coumarou, Myleus rhomboidalis (poisson brouteur et carnivore). Les loutres néotropicales et génates d’Amazonie (Lontra longicaudis et Pteronura brasiliensis) viennent également s’y prélasser, au milieu du ballet incessant des hirondelles.

Les espèces prioritaires à conserver du réseau hydrographique

Podocnémide de Cayenne, Loutre géante, Onoré fascié, Hoazin huppé, Erismature routoutou, Héron coiffé, Moucherolle hirondelle, Tangara à galons rouges, Sporophile curio, Hirondelle à cuisse blanche, Hoazin, Tortue charbonnière, Clélia.Photos espèces réseau hydrographique